Thuram : «Mourinho ne sait pas»
La sérénité selon Thuram. (L'Equipe)
La 122e sélection de Lilian Thuram n'aura pas été la plus pénible, samedi en Géorgie (3-0). Peu inquiété, fort d'un bilan de dix duels gagnés pour un seul perdu, le Barcelonais a connu un retour à la compétition tranquille. «Heureux» de sa décision de rester en équipe de France, il a fait comprendre dimanche à Clairefontaine qu'il irait au bout de l'aventure avec les Bleus : il ne rendra sa place que lorsque le sélectionneur aura trouvé «meilleur» que lui. Prudent sur la gestion du cas Makelele par Raymond Domenech, il l'est moins à l'égard de José Mourinho. «Esclave, il ne sait pas ce que ça veut dire» tranche Thuram. Il lui expliquera le 18 octobre à Stamford Bridge, en Ligue des champions.
« Lilian Thuram, comment avez-vous vécu votre retour à la compétition ?
Il n'était pas évident de redémarrer à l'extérieur dans ce type d'ambiance. Souvent, l'équipe cherche ses repères dans un premier match. On s'attend toujours à des matches compliqués. Mais on a marqué rapidement, ce fut la clef. Après le troisième but, on a inconsciemment pensé à rester tranquille pour l'Italie, mercredi.
L'équipe a conservé sa faculté à défendre. Avez-vous le même sentiment de sérénité qu'à l'époque de la ligne Thuram, Blanc, Desailly et Lizarazu ?
L'équipe titulaire actuelle n'a pas le même vécu, elle s'est dégagée depuis peu. Des discussions sont encore nécessaires. Les joueurs de 1998 avaient déjà fait pas mal de compétitions ensemble, notamment l'Euro 1996. Mais la Coupe du monde a été bénéfique pour la confiance, pour le bloc-équipe. C'est le début de quelque chose d'important, j'espère.
Le résultat nul de l'Italie contre la Lituanie (1-1) vous a-t-il surpris ?
Beaucoup, évidemment. L'autre favori du groupe a fait un faux pas. C'est une bonne chose. Mais ça ne change rien pour mercredi. Ce sera aussi très dur contre l'Ukraine, la Lituanie ou l'Ecosse.
Vous vous êtes déjà retrouvé dans la situation du champion du monde qui doit remettre le bleu de chauffe...
C'est difficile, c'est vrai. Je me souviens du match en Islande (0-0). Dans ces situations, on a toujours l'impression que ce sera plus facile. Mais ce n'est jamais le cas. Inconsciemment, ça pourrait arriver aux Italiens.
Êtes-vous content de les retrouver si vite ?
On verra après le match. La finale de la Coupe du monde est très loin, ce qui ne veut pas dire qu'elle est effacée.
Que signifierait une victoire de la France moins de deux mois après la finale de Berlin ?
Pas grand chose. Ça nous donnera trois points. La Coupe du monde, c'est quelque chose de particulier. L'Italie la gagne sur un penalty. Ça ne veut pas dire qu'elle la meilleure équipe du monde, ni qu'elle a été la meilleure équipe du tournoi. Les matches-références de cette Coupe du monde concernaient plus l'équipe de France. C'est l'équipe la plus concentrée, la plus performante, la plus chanceuse qui arrive à gagner ce type d'événement à un moment précis, mais ça ne veut pas dire que la France et l'Italie sont les deux meilleures équipes du monde. Pour moi, le Brésil reste au-dessus du lot, même s'il a fait une Coupe du monde pas très bonne. En 1992, le Danemark n'était pas qualifié pour l'Euro mais il a fini par gagner le tournoi.
Quel a été le meilleur match des Bleus à cette Coupe du monde ?
Le Brésil (1-0, quart de finale). C'était un match avec beaucoup d'intelligence tactique, de patience, du jeu, une grande réflexion. C'est le comportement-clef dans un grand événement : trouver le moment juste pour faire les choses.
Pourquoi la France n'a-t-elle pas gagné le tournoi ?
Chacun a sa petite idée. La mienne ? Vous ne l'aurez pas, ce n'est pas le moment.
Sur un autre sujet, qu'avez-vous pensé des déclarations de José Mourinho sur le fait que Claude Makelele était un esclave ?
Mourinho ne doit pas savoir ce que c'est que l'esclavagisme. S'il compare la situation de Makelele à de l'esclavagisme, il faut l'excuser, c'est qu'il ne sait pas de quoi il s'agit.
Il n'est pas plus bête qu'un autre, c'est une façon de provoquer...
Je ne pense pas. Parfois, on dit des choses parce "c'est permis". Ce n'est pas une question d'être bête ou pas bête. Ce n'est pas clair pour lui. Il ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot, il ne fait pas attention. Il veut peut-être choquer plus qu'autre chose, mais ce n'est pas un terme adapté.
Sur le fond, que pensez-vous de la situation de Claude Makelele ?
Elle est claire. Je suis content qu'il soit là, sur le terrain et puis voilà. Le sélectionneur a fait le même choix qu'avec moi (en août 2005). Il a l'arme du règlement à sa disposition, je ne sais pas si c'est une bonne chose ou pas. Chacun prend ses responsabilités.
Et vous, vous êtes heureux d'être là ?
Complètement. Cette fois je n'y étais pas obligé.
Jusqu'à quand ?
Je m'arrêterai quand quelqu'un me dira gentiment que d'autres sont meilleurs que moi.»