Après une agonie de plusieurs jours, George Best s'est éteint ce vendredi au Cromwell Hospital, à Londres, à l'âge de 59 ans. Best a connu la gloire dans les années soixante à Manchester United au cours d'une carrière météorique. Ballon d'Or en 1968, l'Irlandais d'origine a été la première vraie star du football avant de quitter le haut niveau exceptionnellement jeune, à 26 ans. Commençait alors sa deuxième vie, celle d'un mythe qui allait défrayer la chronique par ses frasques, son alcoolisme et sa déchéance inéluctable...
George Best, au temps de sa gloire à Manchester United.Il était à la fois Beckham, pour le phénomène médiatique, Rooney pour la précocité, Cantona pour sa dimension mythique à Old Trafford, Gascoigne pour son côté "lad". George Best était tout ça à la fois, le fruit d'une époque, les sixties, où l'insouciance et le génie se mariaient si bien. George Best a été au football des années soixante ce que les Beatles ont été à la culture populaire. Des journalistes portugais l'avaient d'ailleurs surnommé le cinquième Beatle après qu'il ait éclaboussé de toute sa classe un quart de finale de Coupe d'Europe contre le Benfica Lisbonne, en 1966.
Rock'n'roll. C'est le mot qui vient à l'esprit pour qualifier ce joueur unique découvert à l'âge de 15 ans par Sir Matt Busby, le lointain ancêtre de Sir Alex Ferguson. Lancé dans le grand bain en 1963, à 17 ans, George Best allait immédiatement devenir la vedette d'un Manchester United toujours en reconstruction, après le drame du crash de 1958 qui avait décimé les Red Devils. Un joueur de génie, le "plus grand de tous", selon un certain Pelé, infatigable dribbleur, distributeur à la vista diabolique, buteur prolifique (180 buts au total sous la tunique rouge qui lui ont permis six années durant d'être le goleador de MU) et libre. Tellement libre qu'il brûlait la vie par les deux bouts, entre vestiaires et boîtes de nuit, coéquipiers et filles de rêve avec à la clé des abus en tous genres, notamment alcooliques...
Une vie dissolue de rock-star pour ce working-class hero à la Lennon dont le sommet sportif, après deux titres de champion d'Angleterre en 1965 et 1967, allait être atteint en 1968 avec la victoire en Coupe d'Europe aux dépens encore du Benfica d'Eusebio (4-1 avec un doublé de Charlton, un but de Best et un de Kidd), assortie du Ballon d'Or, récompense suprême pour l'individualité au-delà des résultats de son équipe.
De l'icône à la caricature
Pour George Best, il y avait le foot et il y avait la vie. Et quand, à seulement 26 ans, il décidait d'abandonner le haut niveau avant de quitter Manchester United en 1974, c'était pour se plonger pleinement dans cette vie à la Keith Moon qu'il consommait à 200 à l'heure. "J'ai dépensé énormément d'argent en gnôle, en filles et en bagnole, le reste je l'ai gaspillé", déclarerait-il plus tard. S'il a continué à gratifier quelques clubs de son talent jusqu'en 1984 à Dunstable, Stockport, Cork, Fulham, aux Etats-Unis aux LA Aztecs, à Fort Lauderdale, puis aux Hibernians, à San Jose, à Motherwell, Arbroath, Victoria, Glentoran, Bournemouth, Nuneaton Borough ou encore Tobermore, sa vraie vie n'était plus sur le terrain depuis belle lurette mais dans les pubs et au fond des bouteilles de vodka.
Best à la fin de sa vie, devenu une sorte de Gainsbarre pathétique...Alcoolique notoire, devenu un bon client pour une presse tabloïd sans scrupules, consultant de luxe à la télé n'hésitant pas à tailler en pièce un Beckham "unijambiste" alors au sommet de sa gloire, George Best, icône magnifiée par le groupe Wedding Present qui a utilisé en 1987 le nom et l'image du joueur pour la pochette de son premier album, n'était plus qu'une caricature de lui-même. Triste zombie dont les frasques ont alimenté la presse anglaise ces vingt dernières années, depuis son incarcération pendant douze semaines en 1984 pour une sombre histoire de bagarre, jusqu'à ses derniers soubresauts médiatiques, en juin dernier quand il se retrouvait accusé d'agression sexuelle sur une adolescente...
Entre-temps, sa déchéance physique était telle qu'en 2002, victime d'une grave infection, alors qu'il se trouvait à Chypre, il devait subir une greffe de foie. Ce qui n'allait pas l'empêcher pour autant de continuer à boire, comme en témoigne son arrestation pour conduite en état d'ivresse début 2003... Condamné par ses médecins, George Best a choisi d'aller jusqu'au bout de sa destinée, qui s'est achevée ce vendredi 25 novembre dans un hôpital londonien, entouré de son fils de 24 ans, Calum, et de son père Dickie.